Le début de la fin pour les prestigieuses banques d’affaires américaine ?

On avait jusqu’ici peu parlé d’elles. Pourtant, elles brassent une quantité phénoménale des instruments financiers circulant sur la place. Lorsqu’on lit, de la bouche même de du patron du groupe Bear Sterns, Alan Schwartz, pour motiver son recours à la Fed, que face aux rumeurs de marché, “notre situation de trésorerie s’est nettement détériorée ces 24 dernières heures”, on est en droit de s’interroger si ces colosses ne sont pas à la merci du premier vent défavorable venu. Eh quoi ? C’était donc si compliqué d’anticiper une telle situation ? 24h pour une cessation de paiement ! Mais c’est un danger public !

Ma première analyse serait de pointer du doigt les risques pris de manière inconséquentes, et aussi incroyable que cela puisse paraître, de facto soutenus par la FED ! Si dans mon entreprise je sais qu’en cas de petit souci de trésorerie je peux faire marcher la planche à billet, alors pourquoi donc réduirais-je mon exposition aux risques et prendrais-je la peine d’agir raisonnablement ? Je suis favorable à une intervention des banques centrales en cas de crash imminent, pour autant, ne pourrait-on pas assortir ces véritables sauvetages de sanctions pécuniaires fortes et d’obligations de restructuration ? En l’état actuel des choses, à la place de ces dirigeants de grosses institutions financières, je ne vois pas pourquoi je devrais m’inquiéter : 1. si les risques deviennent finalement réalité ce n’est pas moi personnellement qui trinque, je peux partir avec mes bonus des années de vaches grasses, et 2. si la solvabilité de la banque est en danger, je peux toujours compter sur mes amis de la FED qui ont trop peur que ma faillite déclenche une crise systémique. Ce n’est pas le capitalisme qui est fou, mais la politique monétaire. On ne peut pas cacher éternellement que le roi est nu.

23:51 | 14/03/2008 | Reuters

La Réserve fédérale des Etats-Unis, prenant une mesure d’urgence inédite semble-t-il depuis la Dépression des années 30, s’est portée vendredi au secours de la banque d’affaires Bear Stearns à cours de liquidités alors que s’intensifie la crise financière mondiale.

Lors d’une réunion convoquée à la hâte vendredi matin, le conseil des gouverneurs de la banque centrale américaine a décidé de fournir un financement d’urgence à 28 jours à Bear Stearns. L’établissement ne pouvant emprunter directement au guichet d’escompte de la Fed parce qu’il n’est pas une banque de dépôt, c’est la banque JP Morgan qui empruntera à la Fed pour son compte.

A la différence de Citigroup et d’autres banques, JP Morgan a réussi à limiter les dégâts causés par la crise du crédit. En outre, en tant qu’acteur important sur les marchés de la dette et des produits dérivés, JP Morgan aurait beaucoup à perdre si Bear Stearns ne pouvait honorer ses obligations.

Commentant sa décision, la Fed a déclaré dans un communiqué qu’elle était prête “à fournir des liquidités si nécessaire pour promouvoir le bon fonctionnement du système financier”.

Il s’agit de la troisième annonce surprise de la Fed au cours des huit derniers jours dans le but de consolider des marchés financiers fragilisés par la crise du crédit et l’assèchement des liquidités qui a résulté de l’effondrement des crédits immobiliers à risque dit subprimes.

Le montant définitif de l’effort consenti par la Fed n’est pas connu. Tout dépendra de la capacité de la banque d’affaires à pouvoir offrir des garanties pour ses emprunts, dit-on à la Fed où l’on précise que c’est Bear Stearns qui a appelé la Fed.

SITUATION DÉTÉRIORÉE, L’ACTION DÉGRINGOLE

La plus petite des grandes maisons de Wall Street est dernière est plus exposée que ses concurrentes au marché obligataire et a beaucoup de titres adossés à des prêts immobiliers.

Il y a deux jours, elle avait démenti les rumeurs de marché qui la disaient à cours de trésorerie. Le ton a changé vendredi, le patron du groupe Alan Schwartz expliquant, pour motiver son recours à la Fed, que face aux rumeurs de marché, “notre situation de trésorerie s’est nettement détériorée ces 24 dernières heures”.

“Nous avons pris cette décision importante pour restaurer la confiance du marché, renforcer notre trésorerie et nous permettre de poursuivre normalement nos activités”, a-t-il dit.

Mercredi, il avait indiqué que la banque disposait de 17 milliards de cash, soit à peu près autant qu’à la fin février.

“Au rythme ou les choses allaient, nous avons pensé qu’il aurait pu se faire que les demandes de liquidités soient supérieures à nos ressources”, a indiqué Schwartz.

Selon une source proche du dossier, sans l’intervention de la Fed, Bear Stearns n’aurait pas eu assez d’argent pour ouvrir boutique vendredi.

L’action Bear Stearns a fini en repli de près de 46% à 30,85 dollars à la Bourse de New York, entraînant dans son sillage les autres grandes banques et les sociétés financières.

JPMorgan a pour sa part précisé qu’elle ne pensait pas que son rôle d’intermédiaire n’exposerait pas ses actionnaires à un risque important. La banque a limité sa baisse à un peu plus de 4% vendredi à Wall Street.

LEHMAN BROTHERS SUR LA SELLETTE

La Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain, a dit de son côté avoir été en étroit contact avec le Département américain du Trésor et la Réserve fédérale durant les discussions concernant le plan d’aide.

La réputation de Bear Stearns comme trader avisé avait déjà été mise à mal l’été dernier avec l’effondrement de deux fonds spéculatifs investis dans les crédits immobiliers.

“Cela suscite de sérieuses inquiétudes concernant d’autres banques. (Bear Stearns) n’est pas une petite banque, elle était le deuxième émetteur de crédits hypothécaires l’année dernière”, estime Michael Klawitter, stratège devises chez Dresdner Kleinwort, à Francfort.

Certains craignent que Lehman Brothers ne prenne le même chemin. Son cours a dévissé de 14,6% vendredi.

Certains s’interrogent sur l’avenir même de Bear Stearns. “Avec cette réaction du marché, je dirais qu’en leur plantant une fourchette dessus, ils sont finis”, estime ainsi James Ellman, gérant de fonds chez Seacliff Capital, un hedge fund établi à San Francisco.

“Le groupe doit clairement choisir entre des solutions désagréables: vendre une grande quantité de titres, vendre tout simplement le groupe ou céder des actifs pour tenir et espérer que tout ira pour le mieux”, ajoute-t-il.

A la Fed, on précise que l’extension des lignes de crédits à des établissements qui ne sont pas des banques de dépôts remonte aux années 30, que la banque centrale avait autorisé dans les années 60 des prêts à de tels établissements mais que cette possibilité n’avait pas été utilisée à l’époque.

Version française Marc Angrand, Stanislas Dembinski et Danielle Rouquié

La Fed se porte au secours de la banque Bear Stearns

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